Fils de François de Roquette, seigneur d'Amade, contrôleur général des finances, avocat au Parlement de Toulouse et capitoul en 1620, et d'Anne-Marie de Senaux, il nait en 1624 à Toulouse. Sa famille tant paternelle que maternelle est de la noblesse de robe qui s'élève dans la société de province par les fonctions administratives qu'elle achète dans la justice et la finance. Le grand-père de Gabriel, Charles Roquette ne prend la particule qu'en obtenant la charge de procureur du roi au siège de Villeneuve de Rouergue. La formation Sa tante maternelle, Marguerite de Senaux, devenue veuve entre chez les dominicaines dont elle est la supérieure pour le couvent de Paris. Ses relations privilégiées avec Anne d'Autriche lui permettent de faire entrer son neveu, Gabriel, dans la maison du prince de Conti. Le prince en fait son vicaire général pour Cluny dont il est abbé commendataire et lui fait obtenir les prieurés de St-Denis-en-Vaux, près de Poitiers, et de Charlieu (42). Le jeune Gabriel s'oriente vers la prêtrise. Dans l'entourage de la maison de Conti, il se fait remarquer par son intelligence, sa discrétion mais aussi son ambition bien légitime pour ce fils du Langued'Oc qui se hisse dans le commerce des grands. Il entretient de hautes relations à la cour et son caractère aimable et parfois besogneux, sa conversation et ses dons d'orateur le font apprécier. Cela ne va pas sans succiter des jalousies et nous le verrons plus tard. Il prononce les oraisons funèbres de la duchesse de Condé et du duc de Candale. Il assied sa renommée. La reine Marie-Thérèse le fait choisir pour prononcer, le 22 février 1666, l'oraison funèbre d'Anne d'Autriche qui fut la protectrice de sa tante Senaux. La veille, son protecteur, le prince de Conti, était mort. Louis XIV qui en avait fait quelques temps auparavant l'abbé de Grandselve près de Toulouse et un de ses conseillers le nomme le 1er mai 1666 évêque d'Autun. Il a 42 ans. Il a été ordonné prêtre en 1662 et a obtenu son doctorat de théologie à l'université de Bourges. En avril 1667, à Notre-Dame de Paris, il est sacré évêque par l'archevêque de Sens. En août de la même année, Gabriel de Roquette arrive dans son diocèse. La Cathédrale Saint-Lazare illustre majestueusement l'effervescence du Moyen-âge, accompagné par les nombreux bâtiments médiévaux répartis dans toute la cité; car la singularité d'Autun est constituée par ses monuments comme par son tissu urbain si dense et si heureusement préservé. Autun ville antique fondée par Auguste en 15 av. J.C. Le prélat Le diocèse d'Autun est alors un des plus important de France par sa taille et le nombre de paroisses puisqu'il en compte 645. En tant qu'évêque d'Autun il est administrateur du siège métropolitain en cas de vacances, il porte donc le pallium avec les titres de comte de Saulieu (21), baron d'Issy-l'Evêque (71), seigneur d'Alise-Ste-Reine (21) et président-né et perpétuel des Etats de Bourgogne. Tout cela ne doit pas nous cacher la grande misère intellectuelle et morale du clergé de l'époque. Madame de Gondi, lors d'un séjour dans les Dombes, ayant constaté que le curé local était incapable de l'entendre correctement en confession en raison de sa formation plus que sommaire avait engagé vivement et soutenu son aumônier, Vincent de Paul, à se consacrer à la formation des futurs prêtres, de là était né l'ordre des Lazaristes en 1625. En 1666 donc, Louis XIV ordonne à tous les évêques de fonder des séminaires dans leurs diocèses accedant ainsi au voeu du Concile de Trente qui avait achevé ses travaux un siècle auparavant en 1563! Le 6 octobre 1667, Gabriel publie une ordonnace pour rétablir une sévère discipline et enjoindre les fidèles de participer à la construction du séminaire. Deux mois plus tard, le roi accorde des lettres patentes l'autorisant à prélever 3000 livres/an sur les bénéfices du diocèse, et permettant à la maison de recvoir legs, dons .... Dès 1669, Gabriel installe les candidats au sacerdoce dans une maison de la ville d'Autun. Il donne, en 1667, la tonsure puis l'ordination en 1675 à Lazare Bocquillot (Avallon 1649 - 1729), futur chanoine d'Avallon, confesseur de Port-Royal. Le 21septembre 1670 à Pontoise, dans l'église des Cordeliers, il assiste avec Armand Monchy d'Hocquincourt, évêque de Verdun, Charles-Maurice Le Tellier, coadjuteur de l'archevêque de Reims, qui consacre évêque Jacques Bégnine Bossuet qui devient évêque de Condom. En 1675, on pose la première pierre de l'édifice. Le bâtiment est alors érigé en dehors de la ville sur le champ de la Corvée appartenant au diocèse. L'architecte est Daniel Gittard, quatrième des huit membres de l'Académie d'Architecture fondée par Colbert. Le Nôtre dessine les jardins. Bussy-Rabutin décrit longuement les travaux dans une lettre de 1689 adressée au confesseur du roi, le père de La Chaise. La construction se termine en 1691. Il s'avère que Gabriel s'est beucoup investi dans la construction allant jusqu'à ouvrir sa bourse personnelle. Louis XIV et Madame de Maintenon se montrèrent fort généreux. Gabriel de Roquette donne en signe de reconnaissance le nom de la femme du roi à l'escalier monumental de l'aile nord. Malheureusement comme il était de coutume à cette époque les théatre et amphithéatre romains voisins servent de carrière. Quelques découvertes archéologiques intéressantes sont cependant faites. En parrallèle, il crée un petit séminaire à la tête duquel il place son neveu, Henri de Roquette, homme d'élite et de grande piété qui meurt en 1694 lors d'une épidémie en secourant les malades. En 1680, l'évêque d'Autun fait appel à la compagnie de St-Sulpice et engage quelques uns de leurs membres pour enseigner au séminaire. Le premier supérieur en est Monsieur Rigoley. En 1684, l'établissement comporte 60 séminaristes et 4 années plus tard le double! Rigoley est renvoyé en 1690. On veut le remplacer par Monsieur Bardou, de Clermont-Ferrand mais madame de Maintenon attache ce dernier à l'évêque de Chartres. Roquette doit s'incliner face à sa protectrice, il obtient alors successivement deux supérieurs brillants dont tous eurent à se louer. Par ailleurs le séminaire devient un centre de régénération pour tout le diocèse avec organisation de retraites spirituelles pour les prêtres, séjours de discipline pour les récalcitrants etc ... Gabriel en fait sa résidence d'été. En 1702, le 22 juillet, Gabriel de Roquette remet sa démission au roi, il a 79 ans. Celui-ci nomme à sa demande et proposition son neveu, Bertrand de Senaux, jusqu'alors et depuis près de 25 ans vicaire-général du diocèse. Roquette reste à Autun comme évêque coadjuteur. Il meurt à l'évéché le 22 février 1707, il vient d'avoir 84 ans. Le chapître des chanoines de la cathédrale s'oppose à ce qu'il soit enterré dans Saint-Lazare. Il est inhumé dans la crypte de la chapelle du séminaire, du côté de l'évangile. Son neveu Bertrand le sera quelques années plus tard aux côtés de son oncle après sa mort le 30.04.1709. A la Révolution, voulant éviter une profanation, les restes sont cachés dans un des piliers de la crypte. Ils seront déposés après l'Empire avec ceux de son neveu dans un même tombeau dans la cathédrale d'Autun, dans la chapelle des évêques, la quatrième à gauche dans la nef en entrant par le beau portail ouest. Les Portraits Sous le nom de Théophile, La Bruyère évoque sa mémoire dans les "Caractères" (chap. IX 'Des Grands' § 15), il avait la manie de vouloir gouverner les grands, "maladie incurable qui lui dure depuis plus de trente ans". "A peine un grand est-il débarqué, qu'il l'empoigne et s'en saisit", c'est ce qui lui fut reproché par les jaloux lors de l'arrivée en exil en France de Jacques II d'Angleterre en 1689. De même dans ses Mémoires, Saint-Simon, mauvaise langue et "trésor de haine", en laisse le portrait suivant (2.45) :Tout sucre et tout miel, lié aux femmes importantes, et entrant dans toutes les intrigues; toutefois grand béat, c'est sur lui que Molière prit son Tartuffe, et personne ne s'y méprit. L'archevêque de Reims passant à Autun avec la cour, et admirant son magnifique buffet : "Vous voyez là, lui dit l'évêque, le bien des pauvres. - Il me semble, lui répondit brutalement l'archevêque, que vous auriez pu leur en épargner la façon." Il emboursait accortement ces sortes de bourrades, il n'en sourcillait pas, il n'en était que plus obséquieux envers ceux qui les lui avaient données. Rappelons que personne ne trouve grâce aux yeux du mémorialiste surtout si l'on n'est point né duc! Jalousie à l'encontre d'un petit noble bien en cour qui devait son élévation à ses qualités humaines et à la reconnaissance qu'en avaient le roi et ses proches. Bussy-Rabutin en donne, lui, un portrait plus flatteur. "C'étaoit un homme d'esprit nourri à la cour ... il étoit exact pour tous ses devoirs, illustre par les amitiés des princes de Condé et de Conti, du chancelier le Tellier et en un mot de tous les gens de mérite qui l'avoient pratiqué... Il commença par se dépouiller d'un bénéfice de 1200 écus de rente ... je ne sais pas si ce prélat donna cet exemple à d'autres évêques, mais je doute qu'il l'ait reçu de personne." Il semble pourtant que Roquette fut un évêque fort soucieux de la formation spirituelle et de l'appui temporel de son diocèse. Les critiques à son encontre sont dues essentiellement à la protection royale et à ses relations à la cour qui lui permirent de jouer un rôle non négligeable à la tête du diocèse puisqu'il réussit à accomplir son oeuvre de rétablissement moral du clergé. Les armes de Gabriel ornent aujourd'hui le fronton du Lycée Militaire, elles ne furent ajoutées qu'au XIX°. Le diocèse d'Autun en conserve le souvenir d'un grand bienfaiteur ce qui n'est pas le cas d'un de ses successeurs, Talleyrand, le diable boiteux! Le Séminaire En 1885, Jules Grévy affecta les bâtiments à une Ecole d'Enfants de Troupe. En 1956, avec la fin de l'Indochine française, les enfants de Troupe de l'école de Dalat y furent accueillis. Aujourd'hui c'est un des quatre Lycées Militaires avec ceux d'Aix-en-Provence et de St-Cyr-l'Ecole, et le Prytanée de La Flêche. La crypte de la chapelle du séminaire est aujourd'hui occupée par le Musée des Enfants de Troupe. Sommaire Retour
Le diocèse d'Autun est alors un des plus important de France par sa taille et le nombre de paroisses puisqu'il en compte 645. En tant qu'évêque d'Autun il est administrateur du siège métropolitain en cas de vacances, il porte donc le pallium avec les titres de comte de Saulieu (21), baron d'Issy-l'Evêque (71), seigneur d'Alise-Ste-Reine (21) et président-né et perpétuel des Etats de Bourgogne. Tout cela ne doit pas nous cacher la grande misère intellectuelle et morale du clergé de l'époque. Madame de Gondi, lors d'un séjour dans les Dombes, ayant constaté que le curé local était incapable de l'entendre correctement en confession en raison de sa formation plus que sommaire avait engagé vivement et soutenu son aumônier, Vincent de Paul, à se consacrer à la formation des futurs prêtres, de là était né l'ordre des Lazaristes en 1625. En 1666 donc, Louis XIV ordonne à tous les évêques de fonder des séminaires dans leurs diocèses accedant ainsi au voeu du Concile de Trente qui avait achevé ses travaux un siècle auparavant en 1563! Le 6 octobre 1667, Gabriel publie une ordonnace pour rétablir une sévère discipline et enjoindre les fidèles de participer à la construction du séminaire. Deux mois plus tard, le roi accorde des lettres patentes l'autorisant à prélever 3000 livres/an sur les bénéfices du diocèse, et permettant à la maison de recvoir legs, dons .... Dès 1669, Gabriel installe les candidats au sacerdoce dans une maison de la ville d'Autun. Il donne, en 1667, la tonsure puis l'ordination en 1675 à Lazare Bocquillot (Avallon 1649 - 1729), futur chanoine d'Avallon, confesseur de Port-Royal. Le 21septembre 1670 à Pontoise, dans l'église des Cordeliers, il assiste avec Armand Monchy d'Hocquincourt, évêque de Verdun, Charles-Maurice Le Tellier, coadjuteur de l'archevêque de Reims, qui consacre évêque Jacques Bégnine Bossuet qui devient évêque de Condom. En 1675, on pose la première pierre de l'édifice. Le bâtiment est alors érigé en dehors de la ville sur le champ de la Corvée appartenant au diocèse. L'architecte est Daniel Gittard, quatrième des huit membres de l'Académie d'Architecture fondée par Colbert. Le Nôtre dessine les jardins. Bussy-Rabutin décrit longuement les travaux dans une lettre de 1689 adressée au confesseur du roi, le père de La Chaise. La construction se termine en 1691. Il s'avère que Gabriel s'est beucoup investi dans la construction allant jusqu'à ouvrir sa bourse personnelle. Louis XIV et Madame de Maintenon se montrèrent fort généreux. Gabriel de Roquette donne en signe de reconnaissance le nom de la femme du roi à l'escalier monumental de l'aile nord. Malheureusement comme il était de coutume à cette époque les théatre et amphithéatre romains voisins servent de carrière. Quelques découvertes archéologiques intéressantes sont cependant faites. En parrallèle, il crée un petit séminaire à la tête duquel il place son neveu, Henri de Roquette, homme d'élite et de grande piété qui meurt en 1694 lors d'une épidémie en secourant les malades. En 1680, l'évêque d'Autun fait appel à la compagnie de St-Sulpice et engage quelques uns de leurs membres pour enseigner au séminaire. Le premier supérieur en est Monsieur Rigoley. En 1684, l'établissement comporte 60 séminaristes et 4 années plus tard le double! Rigoley est renvoyé en 1690. On veut le remplacer par Monsieur Bardou, de Clermont-Ferrand mais madame de Maintenon attache ce dernier à l'évêque de Chartres. Roquette doit s'incliner face à sa protectrice, il obtient alors successivement deux supérieurs brillants dont tous eurent à se louer. Par ailleurs le séminaire devient un centre de régénération pour tout le diocèse avec organisation de retraites spirituelles pour les prêtres, séjours de discipline pour les récalcitrants etc ... Gabriel en fait sa résidence d'été. En 1702, le 22 juillet, Gabriel de Roquette remet sa démission au roi, il a 79 ans. Celui-ci nomme à sa demande et proposition son neveu, Bertrand de Senaux, jusqu'alors et depuis près de 25 ans vicaire-général du diocèse. Roquette reste à Autun comme évêque coadjuteur. Il meurt à l'évéché le 22 février 1707, il vient d'avoir 84 ans. Le chapître des chanoines de la cathédrale s'oppose à ce qu'il soit enterré dans Saint-Lazare. Il est inhumé dans la crypte de la chapelle du séminaire, du côté de l'évangile. Son neveu Bertrand le sera quelques années plus tard aux côtés de son oncle après sa mort le 30.04.1709. A la Révolution, voulant éviter une profanation, les restes sont cachés dans un des piliers de la crypte. Ils seront déposés après l'Empire avec ceux de son neveu dans un même tombeau dans la cathédrale d'Autun, dans la chapelle des évêques, la quatrième à gauche dans la nef en entrant par le beau portail ouest. Les Portraits Sous le nom de Théophile, La Bruyère évoque sa mémoire dans les "Caractères" (chap. IX 'Des Grands' § 15), il avait la manie de vouloir gouverner les grands, "maladie incurable qui lui dure depuis plus de trente ans". "A peine un grand est-il débarqué, qu'il l'empoigne et s'en saisit", c'est ce qui lui fut reproché par les jaloux lors de l'arrivée en exil en France de Jacques II d'Angleterre en 1689. De même dans ses Mémoires, Saint-Simon, mauvaise langue et "trésor de haine", en laisse le portrait suivant (2.45) :Tout sucre et tout miel, lié aux femmes importantes, et entrant dans toutes les intrigues; toutefois grand béat, c'est sur lui que Molière prit son Tartuffe, et personne ne s'y méprit. L'archevêque de Reims passant à Autun avec la cour, et admirant son magnifique buffet : "Vous voyez là, lui dit l'évêque, le bien des pauvres. - Il me semble, lui répondit brutalement l'archevêque, que vous auriez pu leur en épargner la façon." Il emboursait accortement ces sortes de bourrades, il n'en sourcillait pas, il n'en était que plus obséquieux envers ceux qui les lui avaient données. Rappelons que personne ne trouve grâce aux yeux du mémorialiste surtout si l'on n'est point né duc! Jalousie à l'encontre d'un petit noble bien en cour qui devait son élévation à ses qualités humaines et à la reconnaissance qu'en avaient le roi et ses proches. Bussy-Rabutin en donne, lui, un portrait plus flatteur. "C'étaoit un homme d'esprit nourri à la cour ... il étoit exact pour tous ses devoirs, illustre par les amitiés des princes de Condé et de Conti, du chancelier le Tellier et en un mot de tous les gens de mérite qui l'avoient pratiqué... Il commença par se dépouiller d'un bénéfice de 1200 écus de rente ... je ne sais pas si ce prélat donna cet exemple à d'autres évêques, mais je doute qu'il l'ait reçu de personne." Il semble pourtant que Roquette fut un évêque fort soucieux de la formation spirituelle et de l'appui temporel de son diocèse. Les critiques à son encontre sont dues essentiellement à la protection royale et à ses relations à la cour qui lui permirent de jouer un rôle non négligeable à la tête du diocèse puisqu'il réussit à accomplir son oeuvre de rétablissement moral du clergé. Les armes de Gabriel ornent aujourd'hui le fronton du Lycée Militaire, elles ne furent ajoutées qu'au XIX°. Le diocèse d'Autun en conserve le souvenir d'un grand bienfaiteur ce qui n'est pas le cas d'un de ses successeurs, Talleyrand, le diable boiteux!