AFFAIRE TOURGNOL
Cette affaire éclate en pleine période de Séparation de l'Eglise et de l'Etat. Elle est la démonstration de ce qu'un politique corrompu peut être amené à entreprendre pour sauver sa place, dut-il écraser ses concitoyens.
Victor Maurisset, tout petit-fils d'un général républicain de la Révolution qu'il soit, est républicain modéré. Il ne partage pas les idées de la gauche anti-cléricale mais se garde bien de mélanger politique et fonction. Malgré tout il reçoit cet Inqualifiable marché de Jules Tourgnol, ( Député de la Haute-Vienne de 1898 à 1909. Universitaire, il menait parallèlement une carrière de publiciste avec le quotidien "La France du Centre". Militant radical, vigoureusement anticlérical et défenseur farouche de la république il défend avec acharnement le programme radical-socialiste.) : vous chassez votre commis Pieri sinon je ne vous laisserai pas tranquille. Or il faut savoir que le commis n'est pas rétribué par l'Administration mais par le Receveur sur ses fonds propres comme les bureaux de la Réception sont la propriété du Receveur et non de l'Administration.
Pourquoi cette admonestation ?
En effet J. Tourgnol est ulcéré par le soutient actif quoique modeste qu'apporte Léon Pieri à son adversaire républicain, le Dr Prudhomme. Il est persuadé contre toute logique qu'il est son directeur de campagne. L. Pieri déclare qu'il agit ainsi en représailles sur le fait que Tourgnol a outrepassé son mandat de député pour casser son inscription au concours national des Inspecteurs de l'Enregistrement auquel il avait droit de prétendre aprés huit années passées comme commis.
En juillet 1905, Tourgnol menace le ministre des Finances
d'une interpellation à la Chambre s'il ne déplace pas V. Maurisset de St-Léonard.
Il exerce de fortes pressions suite aux deux enquêtes administratives dont il
est à l'origine qui ont conclu à la bonne foi de V. Maurisset et au fait que
Pietri s'il fait de la politique c'est en dehors de son travail et surtout pas
sous la contrainte de son patron, V. Maurisset.
Question : comment les pièces administratives de ces enquêtes sont-elles mises à
la disposition de Tourgnol ?
12 Oct 1905 V. Maurisset reçoit un courrier de son Directeur de Limoges. Suite à enquête du ministre des finances il est décidé que Victor Maurisset doive se séparer de son commis M. Pieri. Réponse à donner avant le 20 Oct 1905
16 Oct 1905 Lettre de V. Maurisset au Directeur de l'Enregistrement à Limoges se plaignant de l'enquête menée sur son compte en janvier et juillet 1905 et de la disparition de documents personnels présentés lors de cette enquête. Sur cette lettre figure la réponse du Directeur qui dit ne pas être au courant de cette enquête et réitère la demande du ministre.
19 Oct 1905 Réponse de Victor Maurisset : "j'ai le regret de ne pouvoir acquiescer au désir de monsieur le Ministre en renvoyant mon commis qui sur mon ordre formel n'a jamais fait de politique en mon bureau" "je refuse de porter atteinte à sa liberté" - "et de satisfaire au bon plaisir de Monsieur Tourgnol"
23 Oct 1905 Lettre du Directeur faisant part à V. Maurisset de sa suspension pour refus d'obéissance
27 Oct 1905 Réponse de Victor Maurisset : "je confirme ma précédente lettre" " il n'a jamais été dans mes intentions de rentrer en révolte contre le ministre des finances "ma conscience ne me permet pas d'être l'instrument d'un homme qui d'un mandat législatif se fait une arme pour satisfaire des inimitiés personnelles"
11 Nov 1905 Bulletin hebdomadaire de l'Enregistrement : Maurisset "suspendu de ses fonctions" en page 1. En page 2, "Une basse vengeance" Le sénateur de la Hte Vienne Gotteron intervient à la Chambre le 7 Novembre pour demander des explications qui lui sont refusées car le ministre est absent. Cela suivi d'un article paru dans le "Courrier du Centre" qui fait mention de la lettre reçue écrite par V. Maurisset et se moque du dernier exploit du député-maire Tourgnol. Pieri a été engagé dès 1895 à 17 ans. Il tente de s'inscrire au concours de l'enregistrement en 1903, ce qui lui est refusé après avoir fait appel son inscription est acceptée 3 jours avant la date et il s'aperçoit après avoir été plaidé sa cause au ministère avec le député Arène que le refus était dû à une action de la mairie de St-Léonard. Il est reçu au concours. Tourgnol se sent atteint dans son autorité malgré son veto de janvier 1903, fait confirmé par M. Mazaud, concierge de la mairie de St-Léonard. En 1904, Pieri soutient le Dr Prudhomme "pour combattre l'homme qui a voulu sans motif entraver sa carrière". Le Dr Prudhomme est élu au conseil municipal mais échoue au conseil général, alors commence de la part de Tourgnol une attaque en règle contre V. Maurisset et son commis.
23 Juil 1906 Lettre de Joseph de Lachèze, intendant général en retraite, à V. Maurisset pour lui dire que son camarade de Polytechnique, Henri Poincaré est intervenu en sa faveur pour obtenir sa retraite.
13 Oct 1906 Lettre du Ministère des Finances à Gotteron, sénateur de la Hte Vienne, acceptant que V. Maurisset fasse valoir ses droits à la retraite.
les Journaux qui font part de l'affaire :
La Liberté du Jura 8 oct 1905 = Les tyranneaux du bloc, le bouffon Tourgnol
Le Télégramme de Toulouse 21 Oct 1905 = Procédés combistes
La Gazette de France 21 Oct 1905 = Une vengeance de l'ineffable Tourgnol
La République 26 Oct 1905 = Tourgnol tyran, toujours intrigant
L'Univers et le Monde 26 Oct 1905 = Tourgnol tyran, un abus de pouvoir ignoble et révoltant
Le Journal des Débats 26 Oct 1905 = Nouvel acte de Tourgnol
L'Intransigeant 26 Oct 1905 = Goujaterie ministérielle : "M. Merlou, notre ministre des Finances, se prète à une odieuse besogne de l'ineffable Tourgnol"
L'Indépendant Rémois 27 Oct 1905 = Ce bon Monsieur Tourgnol !
Le Saint Quentinois 27 Oct 1905 = Une fière réponse à une lâcheté
Le Journal d'Amiens 27 Oct 1905 = Un Tyran
La Dépêche de l'Ouest 27 Oct 1905 = Ce bon Monsieur Tourgnol
L'Éclair 28 Oct 1905 = La politique du Bloc
Le Messager de la Marne 28 Oct 1905 = Tourgnol tyran et grotesque
Le Sémaphore de Marseille 28 Oct 1905 = Une espèce de député connu pour ses frasques
L'Avenir de Clermont-Ferrand 29 Oct 1905 = Une basse vengeance
Le Courrier des Ardennes 30 Oct 1905 = Abus de pouvoir
Le Courrier du Centre 1 Nov 1905 = La Révocation d'un fonctionnaire
"Tourgnol cet ancien pion et ses turpitudes de député-maire-conseiller général"
Il faut préciser et les anciens dans nos campagnes en ont entendu parler par leurs pères ou grands-pères à la veillée de ce pittoresque mais inquiétant personnage. J. Tourgnol qui avait promis à ses électeurs qu'avec la lune rousse il n'y aurait plus de gelée si leurs voix allaient pour lui ou que leur terre arable s'élèverait de 50 cm; qui à un faire-part de décés répondit "Sincères félicitations". Ce tyran de la campagne limousine faisait régner la terreur dans sa circonscription, tout le monde était fiché, qu'on en juge.
M. Lacoste, fonctionnaire des contributions indirectes à St-Léonard, participa activement à sa campagne électorale malgré son devoir de réserve de fonctionnaire. Il en fut récompensé par les palmes académiques et une promotion à Limoges. M. Treich, receveur buraliste à Bordeaux, se fait élire au conseil municipal sur la liste Tourgnol avec un faux certificat de domicile à St-Léonard. M. Duprat, employé municipal, est chassé de St-Léonard pour refus de suivre Tourgnol dans sa tournée électorale. Même chose pour M. Canet. M. Silagny, neveu de Tourgnol, est exclu de l'examen des Ponts et Chaussées suite à son refus de soutenir la liste de son oncle. M. Royer, employé de l'octroi nommé par le précédent maire, M. Daniel Lamazière, est révoqué pour son refus de suivre Tourgnol dans sa tournée électorale à l'exemple des autres employés. M. Rabetaud, infirme, avait une occupation chez le receveur buraliste mais étant soigné par le Dr Prudhomme, adversaire politique de Tourgnol, il fut chassé par son patron à la demande expresse du maire. |
Conclusion, malgré cette pénible affaire, Victor Maurisset, plutôt que de déjuger les qualités professionnelles de son employé a préféré la révocation au déshonneur.
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